En matière d’agrivoltaïsme, les pistes à explorer sont nombreuses, et l’arrivée de nouvelles technologies ouvre le champ des possibles. Soucieux de proposer une solution aux éleveurs de bovins pâturants, ENGIE Green s’est ainsi intéressé aux panneaux bifaces. « Ce système a commencé à se développer il y a environ deux ans, souligne Aline Chapulliot, d’ENGIE Green. Aujourd’hui, ils sont presque aussi performants d’un côté comme de l’autre ce qui permet de les placer verticalement, à la manière d’une haie. » Un concept adapté aux élevages de bovins : en jouant sur la hauteur et l’écartement, les animaux peuvent continuer à pâturer et le passage des engins reste possible.

Restait pour l’énergéticien à tester la performance du dispositif, baptisé Camelia. « Nous avons positionné l’un à côté de l’autre des panneaux solaires inclinés, orientés plein sud, et des panneaux solaires verticaux, orientés est-ouest, détaille Aline Chapulliot. Pour les panneaux plein sud, la courbe de production fait apparaître un pic entre midi et deux. Celle des haies dessine une “bosse” le matin et une autre en fin de journée. Bilan à la fin de l’année, seulement 5 à 10 % d’écart entre ces deux modalités. » Des résultats qui poussent le développeur à poursuivre l’expérience.

Un démonstrateur sur l’herbipôle de Laqueuille (63)

« Il fallait faire sortir de terre un prototype, reprend la spécialiste. Nous nous sommes rapprochés de l’Inrae. » L’énergéticien et l’institut nouent alors un partenariat pour l’installation d’un démonstrateur au sein de l’herbipôle de Laqueuille, dans le Puy-de-Dôme. Le chantier du premier dispositif Camelia s’achève à l’automne 2022. Sur cet espace de recherche dédié aux systèmes prairiaux, les vaches pâturent désormais à côté de panneaux solaires verticaux. L’installation, sur une parcelle de 1 ha, comporte 9 haies, écartées de 9 m pour une moitié et de 18 m pour l’autre. L’électricité produite alimente la laiterie d’une commune limitrophe.

A Laqueuille, 378 habitants, la municipalité est consultée dès le démarrage. Une prise de contact précoce appréciée. « ENGIE et l’Inrae sont venus nous voir très en amont, pointe le maire Eric Brugière. Cela nous a permis de communiquer avant la rumeur, et notre prise de position en faveur du projet a été bien accueillie. » Ancien salarié de la chambre d’agriculture, Eric Brugière est séduit par la capacité de Camelia à répondre à la fois aux enjeux des énergies renouvelables tout en préservant l’outil de production agricole. L’intégration paysagère n’est pas négligée. « Nous sommes situés au pied de la banne d’Ordanche, un volcan proche du Sancy, ajoute l’élu. Le démonstrateur se trouve juste à côté d’un chemin de grande randonnée où passent chaque année des milliers de personnes. »

Des haies sur prairies, mais aussi en grandes cultures

L’Inrae s’occupe de la partie recherche agronomique, en s’efforçant de mesurer la plus-value apportée aux prairies. « L’ombre portée est intéressante pour atténuer les effets du changement climatique, cite en exemple Catherine Picon-Cochard, chargée de recherche pour l’institut. Les haies devraient aussi couper le vent et peut-être influer sur la température du sol, l’hygrométrie, la diversité botanique… Il faut vérifier tout cela. » Au programme donc, un suivi au long cours de l’évolution de la prairie, mais aussi du troupeau. « Les dispositifs prévus devraient nous permettre de répondre à des questions très peu renseignées dans la littérature. »

Autre région, autre projet - avec un point commun : l’utilisation de panneaux verticaux, en grandes cultures cette fois. Également suivi par ENGIE Green, le projet de Jean-Charles Renaudat, agriculteur dans le Centre, consiste à créer des bandes de cultures, bordées de haies solaires. « Au-delà de l’intérêt agronomique, je pense que ce type de système innovant pourrait faciliter les transmissions, pointe l’exploitant, âgé de 64 ans. Nous peinons à trouver des successeurs : il faut un modèle qui augmente le revenu par hectare. » Financée par ENGIE Green, l’installation permettrait de générer une redevance foncière sur la base d’un bail emphytéotique avec division en volume.

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