Dans un contexte d’augmentation des prix des engrais et d’exigences environnementales, valoriser au mieux les effluents d’élevage est un objectif prioritaire. C’est sur ce créneau que Pierre-Emmanuel Belot, ancien chef de projet à l’Institut de l’élevage (Idele), a décidé de lancer son ETA Juragro-Services en octobre 2021, dans le Jura. Il a acheté un séparateur à vis de marque allemande, un Bioselect « RC 150 », un matériel très utilisé outre-Rhin dans les exploitations qui pratiquent la méthanisation.

La capacité de traitement maximale, de 110 m³ à l’heure (soit 500 à 1 000 m³ par jour selon l’épaisseur du lisier), correspond au profil et aux besoins de sa clientèle : des éleveurs laitiers avec des fosses de 600 m³ en moyenne. Pierre-Emmanuel intervient également dans quelques unités de méthanisation hors de la Franche-Comté (2 000 à 5 000 m³ à traiter).

Un broyeur pour protéger l’installation

L’unité de séparation a été montée sur une plate-forme de 7 mètres de longueur et 2,50 mètres de largeur qu’il a fallu faire construire. Le tout pèse 19 tonnes. Une pompe à lobes aspire le lisier dans la fosse de l’exploitation. Avant d’être séparé en deux phases (liquide et solide), celui-ci passe dans un rotocrusher pour être haché.

« J’ai fait ajouter le broyeur sur l’installation, précise l’entrepreneur, car je craignais les corps étrangers, les morceaux de bois, les cailloux et les pelotes de fibres qui se prennent en masse. » La matière est entraînée via une vis sans fin à travers un tamis dont la maille est de 0,5 mm. Tous les éléments qui ont une taille supérieure tombent sur une bande transporteuse de 6 mètres de longueur orientable. La phase solide est facile à épandre à faible dose/ha. Les éléments liquides repartent dans une fosse ou une poche souple.

Le jour de notre visite, Pierre-Emmanuel intervenait au Gaec de Scay à Boujailles, dans le Doubs. Les 100 montbéliardes, nourries au foin et regain et logées en bâtiment 100 % lisier (logettes avec matelas et aire raclée), produisent 800 000 litres de lait AOP Comté sur 220 hectares SAU, dont 7 hectares de céréales.

Près de 500 m³ de lisier très épais en sortie d’hiver étaient à traiter. Le débit s’est élevé à 70 m³ par heure. La phase liquide, exempte de matière organique qui colle à l’herbe, sera épandue cet été entre la première coupe de foin et le regain. La matière solide, à laquelle sera mélangée la paille des veaux, sera analysée et utilisée comme un amendement sur les pâtures à l’automne. Le tas sera bâché. « L’idéal, pointe Pierre Emmanuel Belot, est de laisser le digestat pendant trois semaines à l’air avant de couvrir le tas. »

Gain de volumes sur les fosses

Sur la ferme, l’installation du camion a nécessité moins de 10 minutes. Les conditions de pose sur une place stabilisée avec un accès facile à la fosse à lisier étaient idéales. Cet hiver, une des deux fosses couvertes de l’exploitation (800 et 900 m³) avait été vidée complètement.

Une fois traitée, la phase liquide du lisier a donc pu être envoyée dans la fosse vide. « Dans 80 % des chantiers, ce n’est pas le cas, pointe Pierre Emmanuel Belot. En l’absence d’une fosse vide ou de poche souple qui permettent un stockage d’appoint, la phase liquide est renvoyée dans la fosse à traiter en circuit fermé, sans perte d’efficacité toutefois. »

C’est la seconde fois que Pierre Emmanuel Belot intervient au Gaec de Scay. « Lors du premier chantier, en janvier 2023, nous attendions les devis pour un séparateur fixe, précisent les quatre associés. Nous voulions réduire les achats d’engrais azotés. Nous sommes aussi un peu justes en capacité de stockage. »

« Si les fosses ne sont pas vidées en partie en décembre, on peut être coincés au début de mars, décrivent-ils. Le séparateur apporte une souplesse et nous évite de réinvestir dans une fosse supplémentaire juste pour un ou deux mois. »

« Le gain de volume permis par la séparation de phase varie en moyenne entre 10 à 15 %, indique Pierre Emmanuel. Sur une fosse d’une hauteur de 2,50 m, on gagne au maximum de 30 à 35 cm. »

Une prestation à 3 €/m³

Après la première prestation de Juragro-services, le Gaec a abandonné son projet. « Nous nous sommes vite rendu compte qu’avec un rendement au mieux de 20 m³/h, nous ne pourrions être ni aussi efficaces, ni aussi rentables que le séparateur mobile, expliquent les éleveurs. Depuis, les associés du Gaec réservent les services de l’ETA d’une année sur l’autre et n’achètent plus d’ammonitrate. Le tarif de la prestation est dégressif selon le volume de lisier à traiter : de 2,30 € à 3,00 € le m³, frais de déplacement en plus.

L’unité de séparation exige un entretien régulier (nettoyage de l’entrée du séparateur, graissage des pompes) équivalent à 2 heures de maintenance par semaine. L’hiver, le broyeur est démonté tous les 10-15 jours et toutes les pièces nettoyées (ficelles, filets enlevés). Malgré l’intensité du travail 6 jours sur 7, l’ancien conseiller d’élevage a le sentiment d’être utile : « Quand je quitte l’exploitation, la fosse est vide. »