« Nous avons laissé en France le monopole de la fabrique du droit de l’environnement aux environnementalistes radicaux. On assiste ainsi à une surproduction non contrôlée de textes législatifs et réglementaires qui ne tiennent pas compte des dimensions sociales et économiques. Aujourd’hui, il n’existe pas, en effet, d’études solides, transversales, intégrant ces volets. Les scénarios de décroissance en témoignent, ils ne sont absolument pas documentés sur ces plans économique et social.

Monopole écologique

Ces nouvelles normes sont pensées et mises en place le plus souvent sous le prisme unique de politiques environnementalistes. Alors que des courants de recherche montrent la manière de fabriquer du droit « intelligent » comme la tétranormalisation (1) ou l’approche « law and management » qui considèrent les trois piliers — social, économie et développement durable —, nous aboutissons, en l’absence de dialogue commun, à un droit de l’environnement produit en silo, uniquement orienté par les environnementalistes, et qui n’atteint pas son but de protection. L’absence de prise en compte des différences et spécificités des territoires conduit à des situations absurdes.

Des coûts cachés

Cette surproduction ne fait pas l’objet de modularité en fonction du contexte. Elle entraîne également des coûts visibles et cachés monumentaux pour les entreprises mais aussi dans les territoires. Prenons le cas des décisions de réduction des produits nocifs destinés aux épandages anti-moustiques. Dans les territoires où les moustiques prolifèrent en masse, le problème tient au fait que les produits de substitution ne s’avèrent plus assez forts. Nous assistons ainsi à une prolifération de moustiques tigres qui nuisent au tourisme et à d’autres activités économiques en répercussion. Les lois promulguées en matière d’écologie ne produisent pas aujourd’hui les effets attendus, du fait de l’absence de travail commun.

Il est urgent de dire « stop ». On arrive à un moment où nous avons les arguments pour arrêter ce mouvement. Il suffit de regarder l’autre exemple du Sri Lanka, les mesures écologiques visant à contraindre tous les agriculteurs à passer aux 100 % bio, ont provoqué en un an, le retour de la famine, la rébellion, puis un coup d’État.

Pour un droit « supportable »

On a suffisamment d’arguments pour affirmer et montrer les conséquences dramatiques de cette surproduction normative en ce qui concerne l’environnement. Il y a en effet de quoi documenter le fait que la radicalité écologique qui instrumentalise le droit conduit au KO. Alors quelle attitude adopter ? Face à l’imprécation, il faut faire de l’imprécation : « Vous dites que nous allons tous mourir. Mais si nous appliquons vos idéaux, nous allons aussi tous mourir. » Il ne s’agit pas de ne pas les écouter, mais il nous faut travailler ensemble, à partir d’une vision systémique et transdisciplinaire, avec des industriels, des économistes, des sociologues, des juristes, pour fabriquer un droit de l’environnement « supportable » dont le critère n’est plus « l’idéal » mais « le préférable »

(1) Ce concept désigne les problématiques posées aux entreprises par la normalisation croissante dans les quatre (tetra en grec) grands corps de normes auxquelles elles sont soumises : comptables et financières ; sociales ; qualité, sécurité et environnement ; commerciales et techniques.